Quand le 'old school' redevient attractif : qui peut raviver la flamme du brûlot charentais ?
Le 'old school charentais', un trésor inexploité ?
Lorsqu'on évoque les produits typiques de la 'Charente profonde' on pense en premier lieu aux charentaises, au pineau, au cognac et en dernière instance, au brûlot charentais.
Bien loin des spiritueux modernes et ultra premium mis en avant dans la Spirits Valley, le brûlot charentais peine à dépasser les frontières de la région et à redescendre vers le bas de la pyramide des ages. Son aspect old school a nécessairement participé à sa mise au rencart. Ne pouvant prendre le train du revival des cocktails des années 2010, seuls quelques anciens perpétuent encore le rituel de la 'flamme des anges'. Pourtant il se pourrait que cet ancêtre des alcools flambés soit un nouvel atout dans notre jeu. Voici pourquoi.
Ce côté 'old school charentais' dans son ensemble à un potentiel rarement exploité et peut, s'il est bien dosé, donner du sens au marketing à une époque où l'on quitte la vie citadine en masse pour redécouvrir les valeurs du terroir.
Etonnamment le secteur des charentaises est sinistré et personne n'a encore pu trouver la bonne équation pour élever ce 'savoir-faire traditionnel' au niveau du 'savoir-vivre chic' français si réputé à l'étranger. Le Coq Sportif a fait une petite incursion avec une édition limitée de sa célèbre LCS R1000 parée de pièces de charentaises. Une des pistes serait donc d'actualiser le chausson pour en faire une pièce plus chic.
Dans cette vidéo de 2011 qui concerne une édition limitée à 100 exemplaires du cognac Teki Latex X Bache Gabrielsen, l'intention est de rajeunir l'image du cognac auprès des clubbers. Le rapper Teki Latex du groupe TTC y campe le rôle d'un châtelain blasé de déguster son cognac tout seul dans le salon au milieu de ses trophées. Avant d'avouer la supercherie et de sortir du décor pour atterrir dans une boite branchée avec sa bouteille :
Mais dix ans ont passé et il semble que la tendance soit en train de s'inverser en 2020. Devant l'accumulation des crises sociales et sanitaires, on revient aux racines avec les valeurs traditionnelles, la recherche du terroir authentique et un retour à la campagne. Fatalement, ce qui est perçu comme 'old school' dans une dynamique d'expansion économique et moderniste peut redevenir attractif en période de contraction et représenter un réservoir de possibilités en terme de développement marketing.
Il semble donc que le brûlot charentais puisse enfin connaître une véritable occasion de se mettre en avant avec un potentiel encore inexploité.
Petites et grandes histoires du brûlot charentais
Il semble que cette tradition ancestrale vieille de 3 siècles provienne des bouilleurs de crus, qui pour réchauffer leur café, y versait quelques larmes d'eau de vie avant de l'enflammer. Voici le mode opératoire aujourd'hui :
Placer dans la soucoupe deux morceaux de sucre répartis autour de la tasse en veillant à ce que cette dernière soit excentrée (afin que l'anse ne chauffe pas trop). Puis remplir la tasse de café froid en s'arrêtant à 2 cm du bord.
Verser deux 2cl de cognac à brûlot de 55 à 60% d'alcool dans la soucoupe.
Couler un demi-centilitre de cognac sur le café, très lentement sur le dos d'une cuillère.
Approcher une allumette sur l'un des sucres qui sert de mèche, le cognac s'enflamme dans la soucoupe puis à la surface du café.
Quand la flamme s'éteint et dès que la tasse n'est plus brûlante, verser la réduction liquoreuse obtenue dans la soucoupe. Le brûlot est alors prêt à être dégusté.
Le brûlot est également un feu destiné à protéger les vignes du gel. On retrouve quelques exemplaires de brouettes en métal destinées à êtres placées aux endroits stratégiques.
Mais le brûlot est également le nom donné à un navire de guerre déclassé ou fait prisonnier puis rempli de matières inflammables de manière à le lancer sous le vent en direction des bateaux ennemis. Or en 1809, les charentais assistent médusés à la bataille de l'Ile D'Aix au cours de laquelle les anglais mettent une raclée monumentale à la flotte française réfugiée dans la baie.
Ne pouvant les en déloger, les anglais envoie des brûlots dans la masse des navires qui ne peuvent manoeuvrer du fait de l'étroitesse de la baie et des bas fonds. La marine de guerre française, coincée entre l'Ile d'Oléron, la presqu'ile de Fouras et l'Ile d'AIx est décimée et la défaite empêche Napoléon de protéger les Antilles d'une menace d'invasion.
On imagine que les combats ont pu marquer les vignerons insulaires qui étaient plus nombreux qu'aujourd'hui sur les côtes de la Charente.
Mais plus près de nous, le Domaine Castel Sablon basé à Saint Maigrin affirme être la première entreprise à commercialiser le brûlot charentais en 1985. De même, Guy Brunetaux, viticulteur à Montchaude près de Barbezieux est considéré comme l'inventeur du brûlot dans les années 80. Il semble qu'il ait réussi à trouver la bonne combinaison entre les caractéristiques du service en grès créé avec l'aide d'un potier et le volume en alcool du cognac, soit 61°.
Auparavant, on se risquait à enflammer le service en porcelaine de grand-mère et immanquablement celui -ci se réduisait pièce par pièce du fait des fortes chaleurs engendrées. C'est cette configuration que l'on retrouve sur cette publicité Hennessy de 1955 :
Quelles possibilités pour le brûlot charentais ?
Traditionnellement, le brûlot charentais est considéré comme un rituel de fin de repas. On peut imaginer qu'un service en grès revisité ou d'une autre matière peut convenir pour des restaurants désireux d'offrir de nouvelles expériences dans un cadre comme celui-ci :
Quoi de mieux qu'un restaurant cosy avec vue sur les montagnes enneigées pour déguster un 'flaming cognac' ? Une fois que la flamme bleue commence à vaciller, pourquoi pas ajouter un chamallow ou un peu de crème chantilly ?
De même, il est possible de remplacer les cucarachas (liqueur de café et tequila) et autres shooters flambés consommés dans les bars festifs avec une version réduite du brûlot charentais. Ce qui demanderait une réelle volonté des maisons de Cognac pour assurer cette politique de développement. Et pourquoi pas, de rebaptiser cette recette de cognac flambé si 'brûlot charentais' n'est pas vendeur au delà de la région.
Alors que le Cognac Bartender Contest organisé par le BNIC bat son plein avec pour objectif de sensibiliser les barmen aux 'ressources de l'eau de vie charentaise' et de créer de nouveaux cocktails, le brûlot charentais ne demande qu'à connaître quelques modifications pour s'adapter aux restaurants cotés et aux clubs. Si on accepte de regarder ce que recèle déjà le terroir...
"Je me méfie des cocktails qu'ils inventent maintenant. Ça fait peut-être vendre mais un jour les gens oublieront le vrai parfum du cognac"
Guy Brunnetaux, Charente Libre, 25 décembre 2010
JÉRÔME SAVOYE
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